Stress chronique et système immunitaire

Le stress se définit comme une situation dans laquelle un individu doit mobiliser ses ressources pour faire face à une menace perçue contre son bien-être. Le stress déclenche une réaction physiologique adaptative impliquant l’axe endocrinien et le système nerveux autonome. Lorsque cette exposition au stress devient prolongée ou répétée, on parle de stress chronique, qui est étroitement lié au développement des troubles anxieux.
De plus, l’exposition à des événements stressants ou aversifs durant l’enfance est un facteur de risque pour l’apparition de troubles anxieux à l’âge adulte. Le stress chronique perturbe le bon fonctionnement du système nerveux autonome, de l’axe endocrinien et, par extension, du système immunitaire, favorisant ainsi les inflammations et augmentant les risques de maladies telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires et les troubles musculosquelettiques.
L’article tente d’expliquer les mécanismes théoriques par lesquels la dérégulation des systèmes de gestion du stress nuit à la santé physique et mentale. Enfin, des solutions pour atténuer l’impact du stress sont proposées, telles que la pratique du sport, la méditation, la pleine conscience, ou encore des traitements médicamenteux, sous supervision médicale.

Ces dernières années, de nombreuses études ont émergé, explorant la relation entre le système immunitaire et certaines maladies psychiatriques. Le paradigme selon lequel le système nerveux central (SNC), composé du cerveau et de la moelle épinière, était protégé des réactions inflammatoires par la barrière hémato-encéphalique (membrane qui protège le cerveau des substances indésirables), qui empêchait les cellules immunitaires de pénétrer dans le tissu cérébral, s’est effondré. Cette conception a été remise en question par la découverte de maladies auto-immunes, telles que la sclérose en plaques et la maladie d’Alzheimer, qui sont en partie causées par des inflammations chroniques. Ainsi des études se sont intéressés au lien entre trouble psychiatrique et inflammation.


Les troubles anxieux représentent l’une des affections psychiatriques les plus courantes, touchant environ 4 % de la population mondiale (Anxiety Disorders, s. d.). Le DSM-V (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) inclut parmi les troubles anxieux les plus connus : le trouble panique avec ou sans agoraphobie, l’anxiété généralisée, l’anxiété sociale, et la phobie spécifique, entre autres. Ces troubles se caractérisent par une réaction exagérée du circuit de la peur face à une situation perçue comme menaçante, bien qu’aucun danger réel ne soit présent.


Les troubles anxieux sont souvent liés au stress chronique. Le stress est défini comme une interaction entre la personne et son environnement, dans laquelle l’individu évalue une situation comme excédant ses ressources et potentiellement dangereuse pour son bien-être (Lazarus & Folkman, 1984). Autrement dit, une situation est perçue comme stressante lorsqu’une personne estime ne pas disposer des ressources suffisantes pour y faire face, la considérant ainsi comme incontrôlable. Le stress devient chronique lorsqu’une personne est exposée de manière prolongée ou répétée à des situations perçues comme stressantes. Ainsi l’exposition à du stress de manière répétée et prolongée va influencer le fonctionnement du système nerveux autonome, l’axe endocrinien et par extension le système immunitaire.

1. L'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (axe HPA)

L’axe hypothalamo-hypophysosurrénalien (HPA) est un circuit endocrinien qui s’active en réponse à un stress. Il est constitué de trois composantes principales :
l’hypothalamus, l’hypophyse et les glandes surrénales (figure 1).

Lorsqu’un stress est perçu, les neurones de l’hypothalamus sécrètent l’hormone de libération de la corticotropine (CRH), qui agit sur l’hypophyse. En réponse, l’hypophyse libère dans le sang l’ACTH (hormone adrénocorticotrope). Cette hormone se fixe sur le cortex des glandes surrénales, situées au-dessus des reins, stimulant ainsi la production de glucocorticoïdes, principalement le cortisol.

Le cortisol joue un rôle clé dans la gestion du stress, la régulation du métabolisme et la réponse inflammatoire. Il exerce ensuite une rétroaction négative en inhibant la production de CRH par l’hypothalamus et d’ACTH par l’hypophyse, freinant ainsi sa propre production, une fois la situation sous contrôle ou la stratégie utilisée a été efficace (cf. coping). Ce mécanisme de rétrocontrôle négatif permet à l’organisme de rétablir un état d’équilibre après avoir fait face au stress, un processus appelé homéostasie.

Figure 1 Illustration du circuit hormonal du stress. Hypothalamus libère de la corticotropine releasing hormone (CHR) dans l’hypophyse qui à tour va libérer dans le sang de l’adrénocorticotrope (ACTH) qui va se greffer dans les glandes surrénales pour libérer des
glucocorticoïdes.

2. Le système nerveux autonome

Le système nerveux autonome (SNA) assure l’homéostasie des différents organes par
l’action coordonnée de deux sous-systèmes : sympathique (SNS) et parasympathique (SNP). Les SNS et SNP forment un système neuronal qui prend origine dans le tronc cérébral et contribuent à la régulation d’une variété d’organes, notamment le cœur.

Le SNS est responsable de la réaction du corps face à un danger en déclenchant une
réponse ‘Fight or Flight’ (combat ou fuite) de manière à ce que le corps répond rapidement en augmentant la fréquence cardiaque pour diriger le sang riche en oxygène vers les muscles et organes essentiels, dilatation des bronches pour une plus grande absorption d’oxygène, libération d’adrénaline pour augmenter la vigilance… comme lors d’une attaque de panique (sans réelle menace pour la survie). Le neurotransmetteur permettant l’activation des organes est la noradrénaline.
Le SNP assure le repos, la digestion, la restauration d’énergie donc le rôle opposé au SNS. Le nerf parasympathique, appelé Nerf Vague ou Nerf X, est le plus long nerf du corps humain qui convoie des informations motrices, sensitives (nerf mixte). Il joue notamment un rôle très important dans la régulation du stress et plus généralement dans la santé mentale (un article complet sera dédié sur le tonus vagal et psychopathologie). Le neurotransmetteur responsable de l’inhibition des organes (repos) est l’acétylcholine.

Figure 2 Le nerf sympathique (bleu) se divise en 2 neurones dont le premier fait synapse avec le ganglion sympathique (Acétylcholine) et le deuxième se connecte au cœur pour l’innerver (Noradrénaline). Le nerf parasympathique (rouge) se connecte (Acétylcholine) directement au cœur pour le décélérer. En vert se trouve les retours sensitifs des barorécepteurs, renseignant sur la pression sanguine, permettant la régulation de l’activité du cœur.

3. Impact stress chronique sur le système nerveux autonome et l’axe endocrine

Le stress chronique se caractérise par une diminution de la sensibilité de l’axe hypothalamohypophyso- surrénalien (HPA) au cortisol. L’une des principales régulations physiologiques du stress est liée au sentiment de contrôle. Lorsque cette perception de contrôle ou la capacité de prédire les événements est absente, cela entraîne une activation excessive de l’axe HPA. Cette exposition prolongée au stress altère la boucle de rétrocontrôle négatif, responsable de l’inhibition de la sécrétion de cortisol. Dans des conditions normales, l’axe HPA et le système nerveux sympathique fonctionnent avec des temporalités différentes. Le système endocrinien, par la libération de cortisol, favorise la récupération après un épisode de stress. Le cortisol a plusieurs effets, notamment l’augmentation du glucose sanguin pour alimenter les muscles en énergie pendant le stress, l’inhibition de la sécrétion d’insuline afin de maintenir des niveaux de glucose élevés, et la réduction de la réponse inflammatoire en modulant l’activité du système immunitaire.
Lorsque le stress devient chronique, l’axe HPA se dérégule, entraînant une augmentation prolongée du taux de cortisol dans le sang, ce qui provoque une désensibilisation des récepteurs glucocorticoïdes. Cette perturbation du niveau de cortisol stimule le système immunitaire en augmentant la production de cytokines pro-inflammatoires (telles que l’IL-6, l’IL-1 et le TNFalpha).
L’augmentation de ces cytokines est également liée à la dérégulation du système nerveux autonome, englobant à la fois les branches sympathique et parasympathique. En effet, le niveau de CRP (C-reactive protein) marqueur d’inflammation, qui augmente après la sécrétion de cytokine Interleukine 6 (IL-6), ont été observé chez les personnes présentant un trouble anxieux.
Figure 2 Le nerf sympathique (bleu) se divise en 2 neurones dont le premier fait synapse avec le ganglion sympathique (Acétylcholine) et le deuxième se connecte au cœur pour l’innerver (Noradrénaline). Le nerf parasympathique (rouge) se connecte (Acétylcholine) directement au cœur pour le décélérer. En vert se trouve les retours sensitifs des barorécepteurs, renseignant sur la pression sanguine, permettant la régulation de l’activité du cœur.
Le stress chronique augmente l’activité du système nerveux sympathique (SNS), entraînant une sécrétion accrue d’adrénaline et de noradrénaline pour préparer l’organisme à la réponse “combat ou fuite”. Cela active également certaines cellules du système immunitaire, notamment les macrophages, qui participent au recrutement des cytokines pro-inflammatoires. Ce déséquilibre entre l’activité sympathique et parasympathique, caractérisé par une suractivation du SNS, réduit l’influence du nerf vague (composante parasympathique). Un tonus vagal élevé (indiquant une activité accrue du nerf vague) est associé à une meilleure régulation émotionnelle, une récupération plus rapide et une réduction de l’inflammation. Lorsque le tonus vagal est élevé, le nerf vague inhibe la production de cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-1, l’IL-6 et le TNF-α, via des interactions avec les macrophages et d’autres cellules immunitaires. En revanche, dans le cas du stress chronique, le tonus vagal diminue.
En résumé, la dérégulation du système endocrinien et du système nerveux autonome a des répercussions importantes sur les réponses anti-inflammatoires. L’excès de cortisol entraîne une hyperglycémie et une désensibilisation des récepteurs à l’insuline, augmentant ainsi le risque de développer un diabète de type 2. L’augmentation des cytokines pro-inflammatoires accroît également le risque d’athérosclérose (formation de plaques dans les artères) et de maladies cardiovasculaires.

Résumé essentiel :

Le stress active l’axe endocrinien, entraînant la libération de cortisol dans le sang. Le cortisol inhibe temporairement l’action de l’insuline, permettant de maintenir un niveau élevé de glucose, nécessaire à la réponse immédiate du corps et à la récupération post-stress. De plus, il se lie aux récepteurs glucocorticoïdes, ce qui génère des effets anti-inflammatoires. Parallèlement, le système nerveux sympathique (SNS) est activé, provoquant une vasoconstriction qui réduit le flux sanguin vers certains organes (comme la peau et les systèmes digestif), pour rediriger le sang vers les muscles, le coeur et le cerveau, optimisant ainsi la capacité de réponse face au danger.
Une fois la menace passée, le tonus vagal augmente, réactivant le système parasympathique pour ralentir l’organisme, restaurer l’énergie, et réguler le système immunitaire.
Cependant, en cas de stress chronique, ces deux systèmes se dérèglent. Le cortisol et l’activation sympathique prolongés affaiblissent les défenses immunitaires, entraînent une production excessive de cytokines pro-inflammatoires, et réduisent le tonus vagal. Cela se traduit par une suractivité du SNS, causant une augmentation de la fréquence cardiaque, des troubles digestifs, une prise de poids, de la fatigue, et d’autres effets néfastes sur la santé.

4. Système immunitaire et Neuroinflammation

Le système nerveux central (SNC) est protégé par la barrière hématoencéphalique, dont le rôle est de réguler les échanges de substances entre le sang et le tissu cérébral, tout en préservant le cerveau des agents pathogènes nuisibles à son bon fonctionnement. Cette barrière, bien qu’imperméable, permet de manière sélective le passage de certaines molécules, telles que le glucose, l’alcool, la caféine et certains médicaments, qui peuvent la traverser plus facilement.
Le système nerveux possède son propre système immunitaire assuré par les cellules gliales. Ces cellules gliales sont 50 fois plus nombreuses que les neurones et sont essentielles pour l’alimentation, le soutient, la protection, nettoyage et vitesse de conduction. On distingue 4 types de cellules gliales : les oligodendrocytes (myéline les axones neuronales), les astrocytes (impliqué dans la barrière hématoencéphalique), épendymocytes (assure l’interface entre le tissu nerveux et le liquide cérébrospinale) et les microglies (cellule immunitaire).
Il existe plusieurs voies par lesquelles l’inflammation en périphérie (dans le corps) peut entrainer une neuroinflammation. A titre d’indication il s’agit des organes circumventriculaires du cerveau dont la barrière est très perméable, les voies afférentes du nerf vague puis des mécanismes de sécrétion et transport de cytokine. En condition normale, les cytokines en périphérie ne peuvent pas passer la barrière hématoencéphalique. Ainsi dans une condition où l’exposition au stress est prolongé/répétée, le niveau de cytokine pro-inflammatoire augmente (l’IL-6, l’IL-1 et le TNF-alpha) rendant perméable la barrière hématoencéphalique et active les  microglies dans le SNC qui a son tour par d’autres mécanismes sécrète des cytokines proinflammatoire (figure 3). La cascade inflammatoire produit de la neurotoxicité et provoque des changements importants dans le comportement des autres cellules gliales.

Figure 3 : L’élévation des cytokines pro-inflammatoires, provoquée par une dérégulation de l’axe HPA (hypothalamohypophyso-surrénalien) et une suractivation du système nerveux sympathique, entraîne une perméabilité accrue de la barrière hémato-encéphalique. La présence de ces cytokines pro-inflammatoires stimule l’activation des cellules microgliales, qui vont alors se multiplier rapidement, s’activer, et libérer divers facteurs immuno-modulateurs, tels que des cytokines et des facteurs de croissance. Une activation excessive de la microglie peut causer une neurotoxicité, perturbant ainsi le bon fonctionnement
des neurones.

Conclusion :

L’article tente de vulgariser la complexité de l’interaction entre les circuits du stress et le système immunitaire. L’objectif est de comprendre les mécanismes du stress et ses conséquences sur la santé physique et mentale lorsqu’il devient chronique. Pour rappel, le stress est une réaction normale et adaptative mais peut être problématique lorsque la réponse comportementale et cognitive face à un évènement perçu comme stressant ne permet pas de régler le problème. Il existe des solutions pour diminuer le stress comme le sport, la relaxation, la respiration, la méditation à pleine conscience, le soutien social, la thérapie ou encore si nécessaire la médication. Il existe aussi des solutions au niveau des comportements et cognitions, du traitement de l’information, pour mieux appréhender les facteurs de stress et d’y répondre plus efficacement, c’est l’objet des TCC ou thérapie intégrative (multiréférentielle).

Bibliographie :

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