Antidépresseur : mécanisme d’action

L’objectif de cet article est une tentative de décrire les mécanismes d’action d’un antidépresseur. Le projet est ambitieux tant il est complexe mais il s’agit avant tout pour les personnes en demande d’aller plus loin que les excellents résumés que l’on peut trouver sur internet. Il est aussi de notre devoir de rappeler que ces informations sont théoriques, issues d’années de recherche scientifique, et qu’il est important d’être suivi par un médecin généraliste ou psychiatre. Nous rappelons qu’il ne faut en aucun cas arrêter son traitement sans un avis médical.

Bien que la dépression majeure et les troubles anxieux soient bien distincts, il n’en demeure pas moins que l’on peut avoir des symptômes dépressifs lorsque l’on souffre d’un trouble anxieux comme on peut avoir des symptômes anxieux lorsque l’on souffre de dépression majeure. La dépression majeure est un diagnostic qui remplit toutes les conditions du DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) et le trouble anxieux concerne différent type de diagnostic comme TAG (trouble anxieux généralisé), Phobie Sociale ou encore Trouble Panique avec ou sans agoraphobie. Par exemple, on retrouve aussi bien des problèmes d’insomnies, difficulté de concentration, d’irritabilité, pensées intrusives que dans les symptômes de la dépression et anxiété. Il est difficile de savoir si l’anxiété conduit vers la dépression ou l’inverse. Toujours est-il qu’il y a un lien entre les deux. C’est pour cette raison, en partant de ce postulat que l’antidépresseur est recommandé lorsqu’un trouble est persistant, induit une souffrance psychique importante et entrave le quotidien. Il est important de rappeler qu’il n’est pas question ici d’expliquer les mécanismes psycho-neuro-cognitif du trouble anxieux et dépressif, mais de comprendre le fonctionnement d’un antidépresseur.

Il existe de nombreux types d’antidépresseurs dont sa pertinence varie en fonction du trouble. En d’autres, termes certains antidépresseurs sont préférentiellement recommandés pour certains types de troubles psychiatriques. Nous allons ici nous concentrer sur l’anxiété. Dans le trouble anxieux, il existe 2 types d’antidépresseurs largement utilisés et qui ont montré leur efficacité quant à son utilisation couplée avec un suivi psychologique. Il s’agit des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ISRS et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et noradrénaline IRSNa. Vulgariser le mode d’action d’un antidépresseur n’est pas une tâche facile tant il y a d’interaction avec différente partie du système nerveux.

Les neurotransmetteurs

La vie cérébrale est régie par la communication entre les neurones. Un neurone est constitué d’un corps cellulaire, d’un axone et terminaison axonale. Le neurotransmetteur est un composé chimique libéré par les neurones agissant sur d’autres neurones. Les neurones présynaptiques délivrent le neurotransmetteur dans la fente synaptique qui va exciter ou inhiber le neurone post synaptique où les neurotransmetteurs se sont greffés (figure 1).

Il existe plusieurs neurotransmetteurs associés à différents rôles. Vous connaissez peut-être le plus connu la dopamine qui est impliqué dans la motricité ou encore dans le système de récompense/renforcement. Ici nous allons nous intéresser à la sérotonine (5-HT, 5-hydroxytryptamine) qui joue un rôle important notamment dans l’humeur et l’anxiété. Les neurones qui synthétisent et libèrent la 5-HT sont localisés dans le mésencéphale (tronc cérébral) au sein des noyaux du raphé (figure 3). Une partie du noyau du raphé envoie des projections sérotoninergiques ascendante (du tronc vers structures corticales plus haute et cortex). On dénombre plus de 14 récepteurs sérotoninergiques distincts impliqués dans diverses fonctions (annexe 1). Lorsque la sérotonine est libérée dans la fente synaptique, le neurotransmetteur va se fixer sur un récepteur post-synaptique qui va modifier le comportement du neurone. La sérotonine restée dans la fente synaptique va être recapturée par un transporteur SERT (au niveau pré synaptique) qui va diminuer la concentration de la sérotonine. Ce qu’il faut comprendre c’est que ces types d’autorécepteurs permettent une homéostasie du système sérotoninergique et seront la cible privilégiée des antidépresseurs. En effet, des études montrent qu’un déficit du récepteur 5-HT1a augmenterait l’anxiété (Akimova et al., 2009).

Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ISRS

Le but de l’antidépresseur est de réguler la sérotonine dans la fente synaptique. Comment ? il s’agit d’inhiber la recapture de la sérotonine. En effet le mode d’action est complexe mais ce qu’il faut retenir c’est que la libération de 5-HT va activer le neurone post synaptique et va aussi se greffer sur le 5-HT autorégulateur du neurone présynaptique qui va activer la SERT pour recapturer la sérotonine restée dans la fente synaptique. Le but de ISRS est d’inhiber, c’est-à-dire empêcher la recapture de la sérotonine. Il faut noter que la désensibilision de l’autorécepteur 5-HT1a (un des types de récepteurs de la sérotonine) situé sur la membrane pré synaptique prend du temps à se stabiliser entre 2 et 4 semaines après induction du traitement ISRS. L’augmentation initiale de la sérotonine peut exacerber les symptômes anxieux, ce qui explique pourquoi les bénéfices des ISRS en termes de régulation de la sérotonine et de réduction de l’anxiété ne se manifestent qu’après plusieurs semaines de traitement (Bourin, 2023). C’est pour cela que le début de prise d’un traitement antidépresseur peut augmenter l’anxiété. En revanche son effet puissant anxiolytique (diminution de l’anxiété) démarre entre 2 et 4 semaines après la première prise de traitement.

Résumons : la recherche montre un effet bénéfique de l’utilisation des ISRS dans le traitement de la dépression et l’anxiété (Jakubovski et al., 2019). La régulation de la sérotonine diminue significativement l’anxiété par la modulation des structures neuro anatomique impliquée dans l’anxiété tel que l’amygdale et autres structures sous corticales (Stein & Stahl, 2000). L’action des ISRS sur le noyau raphé, une structure sous cortical situé au niveau du tronc cérébrale, joue un rôle anxiolytique de par la régulation de la sérotonine qui va moduler l’activité de cortex préfrontal (impliqué dans les cognitions de haut niveau et régulation émotionnelle) et autres structures comme l’amygdale (Godlewska et al., 2012 ; Stein & Stahl, 2000). 

Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et noradrénaline IRSNa

Les IRSNa sont utiles lorsque la réponse à la prise de ISRS n’a pas été suffisante voire absente ou qu’il répond mieux à certains troubles. Il est important de noter que le médecin psychiatre est en mesure de tester différent type et dosage d’antidépresseur qui repondrait le mieux à l’usager soit dans une même classe d’antidépresseur ou autre.

Nous avons vu précédemment, de manière succincte, les mécanismes d’action de la sérotonine et de l’action d’un inhibiteur de la recapture de la sérotonine. Ici, nous introduisons un nouveau neurotransmetteur monoamine mais cette fois ci de la famille des catécholamines : la noradrénaline (norépinephrine). Le principal noyau noradrénergique se trouve dans le tronc cérébral au niveau du Locus Coeruleus (figure 5). Le mécanisme d’action des IRSNa est similaire avec celui de ISRS, sauf qu’il agit aussi sur les transporteurs de recapture des neurones noradrénergiques. En effet les IRSNa vont impliquer une modulation de deux récepteurs à savoir 5-HT1a pour la sérotonine et Alpha-2 adrénergique pour la noradrénaline (Berrocoso & Mico, 2007) (figure 3). Les agonistes (activateur) du récepteur Alpha-2 impliquent une réponse sédative. Le blocage de la recapture en noradrénaline dépend du dosage pour certaines classes d’IRSNa (Shelton, 2019). En d’autres termes, les IRSNa agissent comme des ISRS selon le dosage, plus le dosage est élevé plus l’inhibition du transporteur NAT est importante.

Ce qu’il faut retenir

La tentative d’expliquer les mécanismes d’action des antidépresseurs les plus utilisés contre l’anxiété n’est pas facile tant il est complexe de rendre compte des interactions avec les structures corticales et sous corticales. Il n’a pas été mention dans cet article des effets secondaires rencontrés durant les premiers mois. Il est important de rappeler que la démonstration est théorique permise par des décennies de recherche expérimentale, toute spécialité confondue, de la neurobiologie à la pharmacologie en passant par la psychologie cognitive. La recherche continue d’investiguer à améliorer l’efficacité des antidépresseurs. Un traitement psychiatrique ne peut pas être réduit à la prise d’un médicament mais doit impérativement s’accompagner d’un suivi psychologique et d’un accompagnement avec un médecin. Autre fait important, les benzodiazépines (xanax, temesta, lexomil pour ne citer que les plus connus) ne sont pas des antidépresseurs, leur méthode d’action diffère ainsi que sa durée de prescription. Un article dédié sera mis à disposition.

Attention il ne faut pas arrêter un antidépresseur sans un avis médical et sevrage étudié. Ne pas hésiter à poser les questions à son médecin traitant ou psychiatre.

Bibliographies :

  • Akimova, E., Lanzenberger, R., & Kasper, S. (2009). The Serotonin-1A Receptor in Anxiety Disorders. Biological Psychiatry, 66(7), 627635. https://doi.org/10.1016/j.biopsych.2009.03.012
  • Berrocoso, E., & Mico, J. A. (2007). In Vivo Effect of Venlafaxine on Locus Coeruleus Neurons : Role of Opioid, α2-Adrenergic, and 5-Hydroxytryptamine1A Receptors. Journal of Pharmacology and Experimental Therapeutics, 322(1), 101107. https://doi.org/10.1124/jpet.107.120915
  • Bourin, M. (2013). Mécanismes d’action des anxiolytiques. PSN, 11(4), 2742. https://doi.org/10.3917/psn.114.0027
  • Godlewska, B. R., Norbury, R., Selvaraj, S., Cowen, P. J., & Harmer, C. J. (2012). Short-term SSRI treatment normalises amygdala hyperactivity in depressed patients. Psychological Medicine, 42(12), 26092617. https://doi.org/10.1017/S0033291712000591
  • Jakubovski, E., Johnson, J. A., Nasir, M., Müller-Vahl, K., & Bloch, M. H. (2019). Systematic review and meta-analysis : Dose-response curve of SSRIs and SNRIs in anxiety disorders. Depression and Anxiety, 36(3), 198212. https://doi.org/10.1002/da.22854
  • Shelton, R. C. (2019). Serotonin and Norepinephrine Reuptake Inhibitors. Handbook of Experimental Pharmacology, 250, 145180. https://doi.org/10.1007/164_2018_164
  • Stein, D. J., & Stahl, S. (2000). Serotonin and anxiety : Current models. International Clinical Psychopharmacology, 15 Suppl 2, S1-6. https://doi.org/10.1097/00004850-200008002-00002

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